Pourquoi fétichisons-nous la nuance?

Depuis quelques temps, on peut dire qu’on assiste à une fétichisation de l’idée de « nuance ». Prenons simplement les premiers mois de 2021 à titre d’exemple: en janvier, Philosophie Magazine a sorti un numéro intitulé « Plaidoyer pour la nuance »; Alain Finkielkraut a animé une émission de « Répliques » sur France Culture intitulée « Y a-t-il une place pour la nuance dans la France d’aujourd’hui? »; Etienne Klein est apparu dans plusieurs média pour dénoncer le manque de nuance induit par le fonctionnement des réseaux sociaux; en mars, Jean Birnbaum a écrit un livre qui s’intitule Le Courage de la nuance aux éditions du Seuil; j’ai aussi vu passer en début d’année cette chronique de Stéphane Laporte qui s’intitule « Eloge de la nuance » et qui date de 2015, mais qui a été repartagée en avril.

Tous ces penseurs partent d’un postulat commun : plus une idée est nuancée, plus elle serait bonne. A écouter certaines de ces interventions, on a l’impression que la nuance est une panacée; qu’elle devrait être convoquée systématiquement parce qu’elle aurait le pouvoir de résoudre tous les conflits, qu’ils soient théoriques ou politiques.

A priori, on se dit donc qu’il doit être extrêmement rare de rencontrer quelqu’un qui critique la nuance, ou qui remet en cause ses vertus heuristiques, c’est-à-dire sa capacité à produire des connaissances. Du moins c’est ce que je pensais, jusqu’à ce que je découvre un article passionnant du sociologue irlandais Kieran Healy, qu’il a très sobrement intitulé : « Fuck Nuance » (Healy, 2017). A la question de savoir si un argument nuancé est nécessairement un meilleur argument, Healy répond : rien n’est moins sûr.

Aujourd’hui, je vous propose, en vidéo, de plonger ensemble dans l’argumentation passionnante de Healy.

 

Article cité:

• Healy, Kieran. 2017. « Fuck Nuance ». Sociological Theory 35, no 2 (1 juin 2017): 118‑27. [HTML]

 


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Mira Tfaily (28 juin 2021). Pourquoi fétichisons-nous la nuance? (Im)mobile. Consulté le 20 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/q49c


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